Présence des autorités civiles et militaires à la cérémonie

Belle affluence pour ce devoir de mémoire

Intervention des élèves de l’école du Parc Reine Astrid

Le Commandant militaire, Bruno Smets Colonel BEM,
accompagné par deux élèves de l’école du Parc Reine Astrid

Forte mobilisation des Sea-Scouts pour ce moment
important de commémoration

Jean-François Husson, animateur de « Namur and British Military History » et enseignant à l’UCLouvain et Henallux, était l’invité orateur de la cérémonie du 11 novembre dernier au Parc Astrid de Jambes.

Pour ce faire, Monsieur Husson a prononcé des mots forts lors de son discours, rendant hommage aux hommes et aux femmes victimes de la guerre.

Le voici :

« L’an dernier, nous étions présents pour commémorer le centenaire de l’Armistice de 1918.

Mais que s’est-il passé après ce 11 novembre 1918 ? Car si celui-ci mettait un terme aux hostilités, tout n’était pas fini pour autant…

Les combattants, les blessés, les déportés, les prisonniers, les réfugiés allaient rester marqués à vie. Il faudrait aussi du temps pour que les nôtres regagnent leurs foyers. Pour le 13e de Ligne, régiment namurois, le retour à Namur n’eut lieu qu’en avril 1919. D’autres ne revinrent jamais, tel par exemple le soldat Vital Sterckx, de ce même 13e de ligne, ou son « voisin de tombe », le soldat Thioux, qui reposent tous les deux à Westerham, en Angleterre, morts de leurs blessures. Que l’on me permette de remercier un habitant de Westerham, Ewam Carmichael, de rappeler chaque année leur souvenir lors du Rememberance Sunday.

A son retour, « notre » 13e de Ligne fut accueilli par des troupes de l’Empire britannique. La 4e armée britannique – qui comprenait le Corps canadien et le Corps australien – était en effet largement stationnée dans notre région, de Charleroi et l’Entre-Sambre et Meuse jusqu’Andenne et le sud de la Province de Liège. C’est à Namur que ces soldats venus du Canada, d’Angleterre, d’Ecosse, du Pays de Galles, d’Irlande, d’Afrique du Sud, d’Inde, d’Australie et de Nouvelle-Zélande ont pu souffler après l’armistice, avant pour certains de partir en occupation en Allemagne puis de revenir en région namuroise pour se préparer à la démobilisation et regagner leurs foyers, via Le Havre et la Grande-Bretagne, parfois très tard en 1919.

Certains y ont également poussé leur dernier soupir… Des 245 militaires britanniques qui reposent au cimetière de Belgrade, 210 sont morts de leurs blessures ou de maladie après le 11 novembre 1918. Le dernier, Hugh Morris, est décédé en octobre 1919. D’autres reposent dans des cimetières d’autres localités de notre province, y compris à ici même à Jambes et à Lives.

Je voudrais évoquer rapidement trois destins.

Florian Filiatrault, engagé volontaire, mort de maladie, et dont nous avons commémoré le centenaire du décès le 31 janvier dernier, en présence de sa famille et de représentants de la Défense et de son régiment, le Royal 22e, régiment canadien français dont l’histoire est liée à la ville de Québec, avec laquelle Namur est jumelée.

Patrick Byrne, catholique irlandais, engagé volontaire, soldat des Royal Dublin Fusiliers qui a été capturé lors des combats de Ploegsteert en septembre 1918 et est mort à Jambes, le 18 novembre 1918, entre l’armistice et l’arrivée des premiers soldats britanniques dans notre région, quelques jours plus tard. Comme je l’ai écrit dans Côté Jambes l’an dernier, il repose au cimetière de Jambes, à gauche du monument « A nos héros » sur lequel son nom figure à côté de celui des morts de notre localité.

Elsie Mabel Gladstone, une infirmière au destin extraordinaire. Fille de pasteur, elle a quitté l’Inde pour s’engager en 1915 et a été choisie pour suivre une formation d’anesthésiste, fonction non accessible aux femmes à l’époque hors circonstances de guerre. Après des états de service exemplaires, elle décède à Namur le 24 janvier 1919 de la grippe espagnole, sans doute infectée par les patients qu’elle soignait. Elle repose au cimetière de Belgrade et est une des deux seules infirmières britanniques qui reposent sur le continent.

Certes, il y eu des destins plus heureux.

Le soldat australien Norman Heron, du 20e Bataillon de l’Australian Imperial Force, blessé, tomba amoureux de son infirmière belge, qu’il épousa en Grande-Bretagne, avant d’être rapatrié en Australie puis de revenir en Belgique. Il est l’arrière-grand-père de la Pr Isabelle Parmentier du Département d’Histoire de l’UNamur.

Milicent, duchesse de Sutherland, pris l’initiative d’organiser une ambulance mobile – c.-à-d. un petit hôpital de campagne – pour venir en aide à la « Poor Little Belgium ». Elle et son équipe se dévouèrent sans compter durant le siège de Namur en août 1914. Elle pût regagner les lignes alliées et y poursuivre ses activités. Elle revint à Namur après l’armistice. Le souvenir de son action est conservé au couvent des sœurs de Notre Dame, où était installée son ambulance. Si la Ville cherche des noms de femmes à honorer pour nommer de nouvelles rues, je pense que celui-ci et celui d’Elsie Gladstone mériteraient d’être retenus.

Chacune de ces femmes, chacun de ces hommes, venus de différents territoires de l’Empire britannique, s’est engagé pour une cause en laquelle il ou elle croyait, allant parfois jusqu’au plus grand sacrifice. We will remember them.

Je l’ai dit, l’an dernier, nous étions présents pour commémorer le centenaire de l’Armistice de 1918.

L’horreur de cette guerre avait été tel qu’on pensait à cette époque que c’était la Der des Ders, qu’il n’y aurait plus jamais de guerre, jamais plus de massacres d’une telle ampleur. Hélas, on sait ce qu’il en advint. Voilà 80 ans, le fascisme l’emportait en Espagne, la Pologne était envahie et l’Europe basculait dans la 2e guerre mondiale. La Belgique serait elle-même prise dans cet engrenage quelques mois plus tard.

Celle-là non plus ne fut pas la Der des Ders.

La 3e guerre mondiale, tant crainte durant plusieurs décennies, ne survint heureusement pas – et nous pouvons célébrer ces jours-ci les 30 ans de la chute du Mur de Berlin qui en a marqué la fin.

Mais, depuis 1945, des militaires belges ont été déployés dans de nombreuses opérations extérieures, nombre d’entre elles étant menées sous la bannière de l’ONU ou dans un cadre humanitaire. Plus de 30 000 militaires belges y ont pris part depuis 1960 et aujourd’hui le nombre de vétérans approche des 20 000 ; ce titre constitue « une reconnaissance officielle des services accomplis dans des conditions difficiles à l’occasion de missions ou opérations pendant lesquelles des risques pour la santé ou la sécurité ont effectivement été encourus ». Certaines opérations sont bien connues – tel le Bataillon belge des Nations Unies en Corée, formé et entraîné en partie à Namur, qui perdit 101 tués et 5 disparus – d’autres sont oubliées, je pense entre autres à la Bosnie ou encore au Liban.

Depuis 1960, plus de 150 d’entre y ont perdu la vie.

Cela m’amène à évoquer les 25 ans du décès de 10 d’entre eux.

Il y a 25 ans, le déclenchement du génocide rwandais fut marqué par le lâche assassinat des 10 commandos du Peloton Mortiers du 2e Bataillon de Commandos : Bruno Bassinne, Chistophe Dupont, Yannick Leroy, trois namurois, et leurs frères d’armes : Thierry Lotin, Alain Debatty, Stéphane Lhoir, Marc Uyttebroeck, Bruno Meaux, Louis Plescia, Christophe Renwa.

Ces dix hommes se sont battus avec un courage inouï, se défendant à mains nues contre une horde de génocidaires. Leurs vies ont été broyées le 7 avril 1994, comme l’ont été celles de leurs familles. Et comme l’ont été celles de près de 800 000 Rwandais et des douze autres belges assassinés à l’époque.

Leur mission était de contribuer au maintien de la paix ; hélas, non seulement l’ONU n’a pas pu empêcher le génocide mais comment ne pas penser que l’ONU et les autorités belge de l’époque ont abandonné à leur sort tant le peuple rwandais que nos dix paras. Nombre de questions ont été posées par les familles et, malgré leur pugnacité et un rapport d’enquête parlementaire, il faudra le procès « Rwanda » et le rencontre de certains témoins pour que certaines réponses soient enfin apportées. Il n’en reste pas moins que des zones d’ombre subsistent, en particulier dans le champ politique.

Ces soldats étaient aussi des maris, des pères, des fils, des frères. Que leurs familles – dont je salue la présence – et leurs proches sachent que nous ne les oublions pas.

Aujourd’hui, le Rwanda semble un pays tourné vers l’avenir. Souhaitons que ni ce pays, ni les pays et régions environnantes, ne connaissent de nouvelles tragédies – ce qui hélas n’est pas certain au vu de la situation tant dans la région des grands lacs que dans d’autres pays africains.

Comme nous l’apprend l’expérience européenne, il faut cultiver la Mémoire afin que plus jamais de telles tragédies ne se reproduisent. Il faut également rester vigilant quant à l’émergence de courants nationalistes ou racistes susceptibles de les engendrer. Je vous remercie. »

Jean-François Husson