Page 12 - Côté Jambes 102 - 2018
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ART & PATRIMOINE                                                                                                                                   qui existaient. Quant au vaisseau
                                                                                                                                                           central, il est littéralement repris
                                                                                                                                                           en  sous-œuvre  et  suspendu  sur
        Un vestige inattendu                                                                                                                               une nouvelle structure en béton.
                                                                                                                                                           Seul élément visible de l’extérieur,
                                                                                                                                                           quoique  peu  en  conformité  avec
        dans l’église Saint-Symphorien :                                                                                                                   l’esprit de la nouvelle église
                                                                                                                                                           (l’architecte avait prévu à l’est
        un grand cartouche du milieu du XVIII  siècle                                                                                                      une tour monumentale qui ne
                                                             e
                                                                                                                                                           sera jamais construite, faute de
                                                                                                                                                           moyens) : le clocheton ardoisé qui
                                                                                                                                                           annonce modestement l’édifice du
        En 1928, à l’instigation de l’abbé Léon Delooz   population en croissance exponentielle : elle                                                     côté de la façade occidentale.
        – curé-doyen de Jambes de 1927 à 1949 – la   avait été multipliée par huit en un peu plus   L’intérieur de l’église avant 1930 : les trois nefs du milieu du XVIII  siècle, avec leurs colonnes   C’est à l’aplomb de ce clocheton,
                                                                                                                                        e
        commune demandait à la Société centrale   d’un siècle, passant de 769 habitants en 1801    annelées, sont prolongées par un transept et un nouveau chœur ajoutés au XIX  siècle.   derrière un mur en avancée de
                                                                                                                                                e
        d’architecture de Belgique (SCAB) d’organiser   à 6 290 en 1910 !                          Carte postale du début du XX  siècle (Archives de la cure de Jambes).  l’église actuelle, que  survit  une
                                                                                                                    e
        un concours en vue de la construction d’une   Le  lauréat  de  ce  concours,  auquel  une                                                          portion de la façade en brique de sa
        toute nouvelle église à ériger au même endroit   douzaine  d’architectes  de  toute  la  Belgique                                                  devancière. Au centre, au-dessus
        et à l’emplacement du cimetière, ce dernier   avaient participé, est le bruxellois Edmond       des  Promenades dans Namur. Mais de l’avis   des restes  d’une fenêtre  sommairement
        ayant été déplacé sur les hauteurs de Jambes   Simon. La SCAB avait été séduite par son projet   unanime, tant de la Commission royale des   transformée en porte, un grand cartouche en
        une quarantaine d’années plus tôt. L’édifice   résolument moderne, tout comme seront            Monuments que de l’Évêché, le maintien    pierre bleue (1,80 m x 1,25), orné de « cuirs »
                                                                                                                                                  d’allure baroque, affiche le trigramme IHS
                                                 convaincus tant l’Évêché que les différentes
        existant, bâti à un nouvel emplacement en   autorités de tutelle. Les paroissiens semblent      des colonnes d’esprit baroque de la nef   (Iesus Hominum Salvator  –  Jésus  sauveur
        1751-1752 et agrandi à plusieurs reprises entre   avoir été un tantinet moins enthousiasmés par   (semblables à celles de l’église Saint-Loup   des hommes), au-dessus des trois clous,
        1851 et 1887, était devenu trop petit pour une   l’aspect « Art Déco » qu’afficherait le nouvel   et de l’ancienne abbatiale de Malonne) était   symboles de la Passion. Cette dalle, qui est
                                                 édifice...                                             incompatible avec le style de l’édifice projeté.  explicitement  mentionnée  dans  le  cahier
                                                                                                        En définitive, on coupe la poire en deux : on
                                                 Une seule  personne, mais de  poids, s’est             maintient tel quel le projet d’Edmond Simon,   des charges qui régissait la construction de
                                                 offusquée de la disparition des vestiges de            lequel a toutefois connu quelques ajustements,   la bâtisse en 1751, pourrait bien être l’œuvre
                                                              e
                                                 l’église  du  XVIII   siècle  :  Ferdinand  Courtoy,   mais une partie des murs des nefs latérales   d’un sculpteur namurois bien connu : Denis-
                                                 le chantre du patrimoine namurois, celui               sera conservée, cependant entièrement     Georges Bayar (1690-1774), lequel a très
                                                                                                        camouflée sous un enduit et dotée de nouvelles   souvent travaillé avec un certain Jean-Joseph
                                                                                                        ouvertures sans aucun rapport avec celles   Gilson, entrepreneur et maître de carrière,
                                                                                                                                                  celui-là même qui a bâti l’église de Jambes en
                                                                                                                                                  1751-1752... Elle mériterait à l’évidence d’être
                                                                                                                                                  conservée et, pourquoi pas, transférée dans le
                                                                                                                                                  nouveau siège de la paroisse ? En tout état de
                                                                                                                                                  cause, on imagine mal la voir disparaître sous
                                                                                                                                                  la pioche d’un démolisseur...

                                                                                                                                                                      Jean-Louis Javaux,
                                                                                                                                                                 Attaché honoraire au SPW,
                                                                                                                                                                Département du Patrimoine
                                                                                                                                                                         Fiona Lebecque,
                                                                                                            Détail du cartouche conservé sous les combles         Présidente-Conservatrice
                                                                                                            de l’église actuelle (photo de l’auteur).              du Centre d'Archéologie,
                                                                                                                                                                d'Art et d'Histoire de Jambes


                                                                                                          Pour en savoir plus :
                                                                                                          F.-D. Doyen, Documents relatifs à la paroisse de Jambes (1231-1750), dans Analectes pour servir à
                                                                                                          l’histoire ecclésiastique de la Belgique, 1re s., t. 11, 1874, pp. 280-294 ; C. BaDot, Jambes autrefois…
        La façade de l’ancienne église, avant sa reconstruction   Cachée par un mur élevé en 1931 (à gauche), l’ancienne   et aujourd’hui, Namur, 1948 (rééd., Jambes, 2012) ; J. toussaint et F. tourneur (dir), Denis-Georges
        à partir de 1930. Au-dessus du portail d’entrée, le   façade de 1751-1752 (à droite) : le cartouche surmonte   Bayar (1690-1774), architecte et sculpteur namurois. Édition et analyse de son ‘Grand Registre’, Namur
        cartouche portant le trigramme IHS        une ancienne fenêtre transformée en porte d’accès aux   (Monographies du Musée provincial des Arts anciens du Namurois, 31), 2006.
        (Collection privée).                      combles (photo de l’auteur).


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