Page 4 - Côté Jambes 36 - 2002
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EXPRESSION
E X P R E S S I O N
Abbé Jacques Petitfrère
Ma plus grande souffrance
Quelqu’un un jour m’a Je pense à cet enfant d’un soir d’été, au soleil
demandé : «Pour vous, qu’on compare à un frère, couchant, l’éclat de rire
quelle est la plus grande à une sœur pour souligner d’un enfant qui, dans le
souffrance ?». ses limites ou son handi- jardin, cueille une fleur
Et j’ai répondu : «Si cap. pour l’offrir à sa maman
j’étais père de famille, ce Je pense à cet enfant en lui disant, «Tu sais, ma-
serait la mort d’un de mes dont on se moque dans man, je t’aime très fort !».
enfants ! mais comme je sa classe, à cet autre qui
ne le suis pas, pour moi est injustement puni et
la plus grande souffrance qui est trop petit pour se
c’est de voir souffrir un défendre.
enfant !». Je pense à l’enfant qui
Et je pense à tous ces pleure tout seul dans un
enfants battus par leurs coin de la cour de récréa-
parents, à tous ces enfants tion et dont personne ne
qui ne rencontrent plus ja- s’occupe.
mais quelqu’un qui prend Je pense à l’enfant dont
du temps pour les écouter, le papa est tué dans un
à tous ces enfants dont accident d’auto.
les adultes ont abusé et Je pense à tous ces
qui en restent gravement enfants de la souffrance,
marqués à vie. connus ou inconnus, et
Je pense à ces enfants j’ai mal !
des pays de la guerre, du Et quand je sais que des
terrorisme, de la violence, enfants sont heureux, je
de la faim. suis heureux avec eux et
Je pense aussi chez pour eux et je me dis qu’il
nous à ces enfants qui n’y a rien de plus beau et
souffrent, parfois en si- de plus merveilleux que
lence, parce que papa et d’entendre dans le calme
maman vont se séparer.
4 Côté Jambes - n° 36 - 1 er trimestre 2002