Page 13 - Côté Jambes 110 - 2020
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ART & PATRIMOINE

 Carnet de pain et billet de logement


 Fragments d'un quotidien
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 Ces dernières années, les commémorations dans   On découvre dans ces « vieux papiers » un Carnet
 le cadre du centenaire de la Grande Guerre furent   de famille, réglementant la consommation de
 l'occasion de rappeler le rôle joué par la position   pain durant la guerre.
 fortifiée de Namur et ses neuf forts, de rendre   C'est à travers ce type de documents, ainsi que
 hommage aux civils massacrés par les troupes   des ordonnances de l'administration, que l'on
 allemandes et de donner un coup de fraîcheur   mesure l'état de pauvreté alimentaire de la
 aux monuments aux morts, qui commémorent   population des villes durant la Guerre, fussent-
 le souvenir des soldats, mais aussi celui des   elles comme Namur ou Jambes entourées de
 souffrances des civils et  des malheurs de   cultures maraîchères et de campagnes.
 l'occupation.  Le ravitaillement était une des principales
 Deux documents, dénichés dans une brocante,   préoccupations des administrations communales
 offrent un fragment du quotidien d'un Jambois   et allemandes dans les zones du gouvernement
 durant la guerre : Charles Malengreau,   général. L'abandon de nombreuses fermes et
 propriétaire rentier.  Né  à  Trélon  (France,   terres avait créé un déficit d'approvisionnement.   reporter sur la période suivante ce qui n'aurait   On attendait la libération, le départ des troupes
 département  du  Nord)  en  1861,  Charles   Les prix flambèrent. Un marché noir se   pas été réclamé.  allemandes.
 Malengreau s'était installé à Jambes avec son   développa. Les biens de première nécessité   Le ménage Malengreau, composé de 6   En attendant, il fallait encore loger ces soldats.
 épouse et son fils aîné en 1892. Trois autres   firent dès lors l'objet d'un rationnement.  personnes, pouvait donc prétendre à deux   C'était le cas depuis le début de la Guerre. Toutes
 enfants voient par la suite le jour à Jambes.
 En matière de pain, la consommation était   kilogrammes de pain par jour, soit 20 kg par   les maisons vides ou comprenant des étages
 limitée à 333 grammes de pain par personne,   période. Une quantité qui sera revue à la baisse   inoccupés ou encore des chambres de servante
 que ce soit à Jambes, à Namur ou à Saint-  suite au décès de Madame Malengreau en 1915.  (chaque maison bourgeoise en possédait au
 Servais. Le rationnement se faisait par période   L'approvisionnement en pain se faisait chez   moins une au deuxième étage) devaient loger
 de 10 jours. Chaque ménage avait donc droit,   un boulanger choisi, qui signait le carnet à   des officiers ou des sous-officiers.
 pendant cette période, à dix fois la quantité qui   chaque achat, de manière à ne pas dépasser   Charles Malengreau dut donc, à la mi-octobre
 lui était régulièrement allouée par jour. Il ne   les quantités règlementaires. Pour protéger le   1918, accueillir dans sa demeure de la rue de
 pouvait la réclamer en une fois, et ne pouvait   consommateur, le prix du pain était limité par   Dave deux officiers et trois soldats, sur ordre
           les autorités communales à 48 centimes le kilo.  du bourgmestre.
           Le second « papier » est un Billet de logement,
           remontant au 15 octobre 1918.
           La Guerre touche alors à sa fin. « Enfin la paix ! »,           Fiona Lebecque,
           s'exclamaient les deux journaux namurois (L'Ami           Présidente-Conservatrice
           de l'Ordre et l'Echo de Sambre et Meuse) durant           du Centre d'Archéologie,
           tout le mois d'octobre 1918.                           d'Art et d'Histoire de Jambes





             Note :
              1. Ce court commentaire a été rédigé avec le support des ouvrages et articles suivants :
              O. Maréchal-Perouse, Chronique de la Première Guerre mondiale, dans Le Guetteur Wallon, Namur, 1997-4.
              O. Maréchal-Perouse, Chronique de la Première Guerre mondiale (suite et fin), dans Le Guetteur Wallon, Namur,
             1998-4.
              E. Bodart, M.-C. Claes et A. Tixhon, Namur à l’heure allemande. 1914-1918. La vie quotidienne des Namurois sous
             l’occupation, Namur, 2011.
              La province de Namur au cœur de la Grande Guerre, éd. Province de Namur, Namur, 2013.
 Carnet de famille :
 Attestation par le boulanger des quantités achetées
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