Page 4 - Côté Jambes 35 - 2001
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EXPRESSION
                E X P R E S S I O N


                                         Abbé Jacques Petitfrère



                                     Rêve pour un début d’année










        Je  dormais  et  je  rêvais   où  les  enfants  dont  on   cune et chacun respecte-
        d’un monde, d’une com-       entendrait  les  rires  dans   rait l’autre.
        mune, d’une localité, d’un   les jardins ou au coin des   J’ai rêvé d’une ville où plus
        quartier,  d’une  commu-     rues  joueraient  en  toute   jamais personne ne souf-
        nauté où tous les hommes,    sécurité.                   frirait de solitude, de rejet,
        toutes  les  femmes,  tous   J’ai rêvé de cette ville où   où plus jamais un pauvre
        les enfants seraient heu-    les automobilistes seraient   ne  dormirais  dehors  en
        reux, où leurs vies seraient   respectueux des cyclistes   hiver.
        habitées par des rires, du   et  des  piétons,  attentifs   J’ai  rêvé  d’une  ville  où
        soleil,  des  fleurs  et  des  aux  autres  en  sachant   on ferait passer le social
        chansons.                    qu’ils ne sont pas seuls sur   avant l’économique et le
        Heureux pourquoi?            la route et qu’une maman    politique.
        Parce que les guerres, les   avec  sa  voiture  d’enfant   Je  dormais  et  je  rêvais
        conflits,  les  haines,  les   doit pouvoir emprunter le   que la vie était joie, je me
        intolérances, le terrorisme,   passage pour piétons sur   suis éveillé et j’ai vu que
        l’individualisme  seraient   lequel  un  d’entre  eux  a   mon  rêve  serait  impos-
        remplacés par des paroles    parqué sa voiture.          sible aussi longtemps que
        d’amitiés, des gestes de     C’est  peut-être  un  peu   l’homme  ne  retrouverait
        tendresse,  des  regards     brutal  de  dire  cela  mais  pas les valeurs du coeur,
        de paix, parce que toute     je crois que pour certains   les  seules,  dont  la  pre-
        personne  serait  impor-     tout  ce  qui  n’em...  que
        tante  parce  que  «unique   les autres est sans impor-
        au monde», parce que, en     tance !
        rue ou dans l’ascenseur ou   J’ai  rêvé  d’une  ville  où
        encore dans le magasin,      on ne vivrait plus jamais
        on  aurait  un  mot  gentil   dans la crainte des vols,
        pour l’autre.                des  hold-ups,  des  car-
        J’ai  rêvé  d’un  monde,     jackings,  des  sacoches
        d’une  commune,  d’une       arrachées,  du  mobilier
        localité,  d’un  quartier  où   public abîmé.
        on  pourrait  se  regarder,   J’ai  rêvé  d’une  ville  où
        se parler, se sourire, s’en-  pour tout le monde il ferait
        traider, se donner la main,   bon vivre parce que cha-


   4      Côté Jambes - n° 35 - 4 ème  trimestre 2001
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