Le plus ancien plan de la ville de Namur illustre également la tête de pont de Jambes. Détail du plan édité par Braun et Hogenberg en 1586 (Fondation SAN, B-Pl-113-03).

Détail d’un plan manuscrit de la ville de Namur, non daté (avant 1746) : la tête de pont est complètement englobée dans un système défensif beaucoup plus vaste, mis en place à partir de la fin du XVIIe siècle (AÉN, Cartes et plans, n° 454).

 La porte depuis le faubourg de Jambes, dessin aquarellé de Jules Borgnet, XIXe siècle (Fondation SAN, Album Borgnet, n° 45).

Rivière de Meuse. Rivage de Jambes : détail du plan de la tête de pont, relevé réalisé le 2.09.1837 par un ingénieur militaire (AÉN, Cartes et plans, n° 403, détail).

Le pont de Meuse est mentionné pour la première fois en 1265, puis en 1289. On ignore toutefois quand il a été construit. Il était défendu, à l’aplomb de la 7e pile à partir de Namur, par une tour carrée percée d’une porte et précédée d’un pont-levis au droit de la 8e arche.
En 1429, dans la crainte d’une attaque liégeoise, la ville fait construire une fortification côté Jambes, une tête de pont conçue pour l’artillerie naissante. Initialement prévue en pierre, elle est, vu l’urgence, bâtie en bois et terre, probablement sous la direction de Gérard de Brunneur, qui avait été désigné par Philippe le Bon, duc de Bourgogne et, depuis 1421, détenteur du comté de Namur, pour veiller au renforcement des défenses de la ville.
Ce n’est qu’en 1465 que l’on élève à son endroit un boulevard d’artillerie en pierre, composé de deux demi-tours circulaires côté fleuve, reliées par une courtine de même forme côté faubourg de Jambes. Elle apparaît ainsi sur le plus ancien plan de Namur publié par Georg Braun en 1574 et sur une vue cavalière gravée par Franz Hogenberg, d’après un dessin du chanoine Masius en 1575.
Mais à partir de 1645, tous les plans tant manuscrits que publiés montrent que l’arrondi médian a été remplacé par un saillant anguleux, probablement dès le XVIe siècle, à l’instar de ce qui a été fait entre 1510 et 1515 au rempart ad Aquam.
L’édifice n’a plus guère évolué depuis, car la construction de nouvelles fortifications englobant tout le faubourg à partir de 1691 l’avait rendu obsolète : il ne servait plus que de simple porte pour fermer l’accès à la ville entre le coucher et le lever du soleil…
Un ensemble de dessins du XIXe siècle, notamment ceux du général de Howen et de Jules Borgnet, ainsi qu’un plan assez précis levé en 1837, permettent de s’en faire une bonne idée. Le complexe défensif, dont le portail avait été démoli sans doute depuis longtemps, ne comportait que de rares arquebusières. Son parapet qui reposait sur un cordon en boudin du côté aval, sur une série de corbeaux côté amont, était encore en partie rythmé par une série d’ouvertures de tir : bien présentes en 1819, elles avaient disparu quelques dizaines d’années plus tard. À l’intérieur de la place, un poste de garde s’adossait à la courtine à gauche de l’entrée.
Les temps changent, les nécessités aussi… Dès 1873, la commune de Jambes sollicite auprès du ministre de la Guerre l’autorisation de démolir l’ancienne porte du faubourg de Jambe, devenue inutile. La raison avancée : l’embellissement de la localité et sa sécurité, car des individus mal famés s’y cachaient la nuit et il y avait eu encore récemment des agressions ! De plus, sa démolition permettrait la restauration du pont dont l’urgence s’impose. Les choses traînent toutefois, malgré de nombreux rappels auprès des instances supérieures : en cause, et surtout, le financement des travaux ! Finalement, le 2 mars 1884, la démolition de la porte de Jambes est adjugée à Jean-Joseph Pouillon, entrepreneur à Namur, pour le prix de 980 francs ; le cahier des charges en a été établi par M. Bonamis, ingénieur aux Ponts et Chaussées et conseiller communal. Déduction faite de la vente des matériaux de récupération (266 fr.), le receveur communal est autorisé, le 21 août suivant, à délivrer un mandat de 716 fr. à l’entrepreneur. C’en est fait de l’antique tête de pont élevée quatre siècles et demi plus tôt…

Jean-Louis Javaux et Bernadette Hubert,
Attachés honoraires au SPW,
Département du Patrimoine et
Fiona Lebecque,
Présidente-Conservatrice
du Centre d’Archéologie,
d’Art et d’Histoire de Jambes

Sources :
Archives de l’État à Namur, Communes contemporaines, Jambes, nos 3 et 4 (délibérations du conseil communal (1867-1881 et 1881-1909).

Bibliographie :

Badot C., Jambes autrefois… et aujourd’hui, Namur, 1948 (rééd., Jambes, 2012), pp. 190-191 ; Bastin N., Namur et sa province dans l’œuvre du général de Howen, Bruxelles, 1983 ; Borgnet J., Promenades dans Namur, rééd ; anastatique de l’édition de 1851-1859, Namur, pp. 141-164 et 401-416 ; Bragard Ph., Aperçu sur les fortifications de Jambes (XIIIe-XVIIIe siècles), dans ASAN, t. 74, 2000, pp. 115-145 ; ID. et al., Images de Namur fortifiée. Dessins, écrits et documents rares ou inédits, Namur (Les Amis de la Citadelle), 2009 ; Au milieu du Monde : Namur. Cartes et plans 16e-21e siècle, Namur (Monographies du Musée provincial des Arts anciens du Namurois – Trésor d’Oignies, n° 68), 2015 ; Douxchamps-lefèvre C., La commune de Jambes de 1795 à 1977, Jambes (Collections du Centre d’archéologie, d’art et d’histoire de Jambes. Études et documents, 2), 2008, p. 17.