Le couteau attribué à Lambillon.
Extrait du rapport d’autopsie des médecins.

La scène de crime.
Extrait du plan de géomètre.

Détails de la salle du rez-de-chaussée.

Bagarre – Trois coups de feu
Meurtre à Jambes

Marie Thibaut tient rue des Cotlis (aujourd’hui rue Lamquet), non loin de la verrerie, un estaminet « À la Basse Enhaive » où les ouvriers viennent boire leur bière. L’immeuble existe encore. Ce dimanche soir-là, le 22 octobre 1899, l’estaminet est resté ouvert tard car c’est kermesse à Jambes. C’est le mari de la patronne, Alphonse Potemberg, qui a pris le relais. « C’est un bon ouvrier emballeur à Herbatte, un honnête homme, dira son patron, bien que parfois un peu vif ». Vers huit heures, la bande à Bajot, venant du quartier Saint-Nicolas, est passée à l’estaminet. Ces tristes sires sont connus pour provoquer des scènes aux kermesses des villages voisins, à Bouge, à Boninne, à Beez. « La rumeur publique accuse les Bajot d’être excessivement dangereux. Ils répandent la terreur à Jambes », dira plus tard le garde-champêtre local. Dès leur arrivée, ils ont pris la goutte, enchaîné des cumulets dans la rue, mais aucun trouble n’était encore à signaler. Or les voilà revenus après minuit. Ils cherchent la bagarre, giflent un jeune buvant sa bière, se poussent et se bourrent, les calottes pleuvent. L’un d’eux, Lambillon, s’énerve, casse une chaise puis la seule lampe qui éclaire l’estaminet. La pièce n’est pas grande, tout au plus quatre mètres sur quatre ; ils y sont à dix. La cohue est générale. Les consommateurs fuient. L’accordéoniste se réfugie dans la cuisine à l’arrière avec Marie Thibaut et une des filles Potemberg. Lambillon sort un couteau. Potemberg fait appeler ses fils qui dorment à l’étage. L’un d’eux attrape Lambillon pour le faire sortir mais le gaillard se débat. Potemberg va chercher un revolver. « Attention, crie-t-il, je suis chez moi, je vais tirer ! »  Il tire trois coups, deux vont atteindre Lambillon qui va s’écrouler dans la rue. La bande se déchaîne alors et casse les fenêtres de l’estaminet et les bouteilles de bière. La rue est jonchée de tessons et de débris de toutes sortes.

Prévenu à la hâte, l’échevin Lamquet, faisant fonction de bourgmestre, se précipite dans le quart d’heure, suivi du commissaire de police Ledoux, puis du juge d’instruction Delhaise et du procureur du Roi Erpicum. Potemberg est arrêté, les témoins interrogés.

Potemberg sera-t-il traduit devant la Cour d’assises ? Prenant l’avis du procureur général de Liège, la Chambre du Conseil de Namur renvoie Potemberg en correctionnelle, « attendu que l’homicide commis par l’inculpé a été immédiatement provoqué par des violences graves envers les personnes ». « Il aurait préféré être jugé par des citoyens », dira son avocat, Me Procès.

Le Tribunal examine avec soin si la légitime défense peut être invoquée. Non, diront les auteurs pénalistes, même s’il y a eu provocation.

À l’audience qui durera trois jours, les témoins défilent dont les médecins qui ont examiné les blessés dans la bagarre et autopsié le cadavre de la victime. Pour le substitut du procureur du Roi, l’intention de donner la mort est certaine : trois coups ont été tirés à bout portant. Potemberg est un meurtrier et non un assassin, car il n’a pas prémédité son crime, il a agi dans un moment de colère. Le ministère public demande une peine sévère.

Me Procès, l’avocat de Potemberg, le défend brillamment.  Potemberg voulait sauver son fils que Lambillon étranglait. Il a été poussé par un mouvement irrésistible.

Le Tribunal sera clément. Potemberg est condamné à deux ans de prison et à payer 1.500 francs de dommages et intérêts (soit quelque 6.000 € actuels) à la mère de Lambillon, qui était à charge de son fils.
Après six mois de détention à la prison de Namur, Potemberg sera admis au bénéfice de la libération conditionnelle.

Sources : L’Ami de l’Ordre, 23, 24, 25 octobre, 13, 19, 24, 25, 26 novembre 1899, 6 juin 1900
Archives de l’État Namur, Tribunal correctionnel de Namur. Fonds ancien, n° AJ 138/2