I.-J. Rousseaux (lith.), d’après un dessin d’O. de Howen,
Namur, vue de la chaussée de Luxembourg
Lithographie publiée dans  I.-J. Rousseaux, Recueil de douze vues de Namur, Namur, 1826.
Coll. Fondation SAN, inv. B-Litho-033.

Otto de Howen,
Namur, vue de la chaussée de Luxembourg
Dessin rehaussé de lavis.
Vers 1820.
Coll. Fondation SAN, inv. B-De-062.

Wasse (ou Vasse) (lith.), T. Fourmois (dessinateur), P. degorbert (imp.),
Partie de l’ancienne abbaye de Géronsart, commne de Jambe, canton de Namur sud, appartenant à Mr le Comte de Liedekerke-Beaufort
Lithographie rehaussée d’aquarelle publiée dans A. Vasse, La province de Namur pittoresque, 1846.

Le TreM.a-Musée des Arts anciens accueille actuellement à Namur plusieurs vues jamboises dans ce « voyage lithographique et intimiste dans le Namurois » qu’est l’exposition automne-hiver 22-231. Aux côtés d’autres sites namurois, le visiteur les découvre comme autant de témoignages représentatifs du patrimoine monumental et naturel national.
Au début du 19e siècle, une nouveauté fait son apparition sur le marché du livre : l’album pittoresque lithographié. Héritier du récit de voyage dans sa forme sans pour autant être une relation de voyage ni un guide touristique, il associe étroitement – et souvent de manière complémentaire – textes et images.

Lithographie
Après quatre siècles de gravure sur bois et sur métal, la lithographie est inventée en 1796 et est introduite en Belgique en 1817. La lithographie reflète les exigences de la révolution industrielle : souci de rapidité (tant dans la formation du lithographe que dans l’exécution de l’œuvre), d’exactitude et d’abaissement du coût (coût de la pierre inférieur à celui du cuivre, salaire à la pièce moins élevé, aisance de la copie, possibilité de tirage important grâce à la résistance du matériau…). Les impacts de la lithographie sur le public sont importants : présence démultipliée d’images d’une qualité toujours plus grande, démocratisation du savoir, démocratisation de l’art et, enfin, amplification, par la facilité d’exécution, du pouvoir de suggestion de l’image.

Ces récits sont le fruit d’une collaboration entre un ou plusieurs voyageurs qui partent à la découverte d’un pays ou d’une région, d’un ou plusieurs artistes qui reproduisent les scènes décrites et d’un édi¬teur qui se positionne comme soutien financier de l’entreprise. Les ouvrages illustrés qui en résultent sont destinés, par leur coût et leur contenu, à une élite aristocratique et intellectuelle. Ils comprennent des textes et des planches très détaillées et sont généralement diffusés en plusieurs livraisons. Ces dernières peuvent faire l’objet d’une reliure ou être conservées uniquement pour la valeur décorative des reproductions.

Le genre va connaître une évolution liée aux régions visitées : l’exotique d’abord, l’Europe ensuite, le local enfin entre 1820 et 1835. Et comme les voyageurs connaissent les traditions et les institutions de leur pays, ils ne se préoccupent alors pratiquement plus que d’architecture et de sites. En Belgique, la prise de conscience de la notion de patrimoine comme vecteur d’une identité nationale existe même avant 1830. Les voyageurs mettent en exergue les richesses archi¬tecturales et naturelles de la nation en accordant un intérêt privilégié à la vallée de Meuse. Les ruines médiévales, les châteaux et abbayes, les sites natu¬rels sont mis à l’honneur : ils servent de supports pour définir le caractère de la nation.

Pittoresque ?
De l’anglais picturesque (faisant référence au tableau, à l’image), souvent traduit en français par pittoresque (issu de l’italien pittore et renvoyant dès lors à l’action de peindre)
Le pittoresque apparaît à la charnière des 18e et 19e siècles. Il est étroitement lié au triomphe du romantisme qui se développe au cœur d’une société européenne en pleine mutation. Une partie du monde artistique est en rupture avec le classicisme et les idées véhiculées par les Lumières. La sensibilité prime désormais sur la raison.
À cette époque, l’homme s’ouvre à l’exotisme, s’inquiète des ravages du temps et s’interroge sur son passé, sur l’origine des peuples, de leurs croyances et de leurs traditions. Les nouvelles idées démocratiques prônent la cohésion nationale. La qualité d’une nation passe désormais par la reconnaissance et la valorisation de son patrimoine, à la fois monumental et naturel, dont il convient de célébrer la grandeur et les beautés.

Soutenir financièrement un album pittoresque
Si la lithographie permet des reproductions de vues à grande échelle et à coût réduit par rapport à la gravure, il n’en reste pas moins vrai que la réalisation d’un ouvrage pittoresque nécessite des moyens financiers importants. Que l’ouvrage soit publié à l’initiative d’un artiste ou d’un imprimeur, plusieurs solutions s’offrent à eux pour financer la publication sans trop grande prise de risque : recherche de mécénat ou appel à souscriptions. Les mécènes sont invités à soutenir l’édition d’un volume complet ou au contraire d’une seule planche. En contrepartie, leur château apparaît dans l’ouvrage en question, comme c’est le cas par exemple pour le château de Géronsart, propriété du Comte de Liedekerke-Beaufort, mécène de La Province de Namur pittoresque d’Antoine Vasse. Pour les souscriptions, de nombreuses publicités sont diffusées dans les journaux, soit sous forme d’encarts, soit en rédactionnel.
Pour s’adapter aux moyens du public, qu’on souhaite le plus large possible, les ouvrages  peuvent être proposés déjà reliés (avec une reliure en général d’exception) ou en livraisons de planches indépendantes, la reliure étant alors à charge du souscripteur. Certains lithographes proposent également la vente de lithographies à la planche pour rentrer dans leurs frais.
La qualité d’une nation passe désormais par la reconnaissance et la valorisation de son patrimoine, à la fois monumental et naturel, dont il convient de célébrer la grandeur et les beautés.

Note :
1. L’exposition temporaire Pictoresque. Un voyage lithographique et intimiste dans le Namurois est à découvrir au TreM.a-Musée des Arts anciens du 22/10/22 au 29/01/23. Plus d’infos : www.lasan.be/actualites/expositions