C’est moi qui ai tué Mme Burton
Depuis la mort de son mari, ancien receveur communal de Jambes, Thérèse Burton, née Servais, n’est pas à l’aise. Elle trouve trop grande sa maison à la rue de Dave et trop lourde la charge de gérer seule son patrimoine financier et immobilier. Pour contrer sa solitude, elle a recueilli la petite Augusta, délaissée par ses parents, qu’elle considère comme sa fille. Ceci n’empêche qu’elle craint qu’on en veuille aux valeurs qu’elle garde chez elle, qu’on s’en prenne à elle la nuit et qu’on l’assassine. Aussi veille-t-elle à garder toutes portes closes et, la nuit, elle tend l’oreille sans oser s’endormir.
Joseph Fichefet l’aide un peu pour son courrier. C’est un cousin par alliance, qui s’accroche à elle et lui demande souvent de l’argent à prêter, pour des prétextes divers : voyages, études, achats de livres. Or Joseph est un panier percé, il lui en faut toujours davantage mais pour l’essentiel, tout part en visites prolongées dans les cafés namurois.

La maison Burton, 69, rue de Dave (AEN)
Ce jour-là, 18 mai 1905, Joseph a promis à son père de prendre le matin le train de Paris pour solliciter un emploi qu’on lui aurait promis dans un laboratoire industriel. Au lieu de cela, il traîne de cabaret en cabaret, neuf au total dans l’après-midi. En fin de journée, il est ivre et désargenté. Dès lors, il veut venir à Jambes, chez Mme Burton, solliciter une nouvelle avance. Il prend le train à Namur et descend à Velaine. Dans l’état où il est, une petite marche lui fera du bien. Vers 19 heures, il arrive là où habite la veuve, au 69 rue de Dave, au carrefour de la rue de Géronsart. L’immeuble n’existe plus. C’était une grande propriété dotée d’un beau jardin.
Justement, Thérèse Burton est au jardin, en train de récolter des asperges.
La petite Augusta l’avertit de la visite de Fichefet. Mme Burton est contrariée, elle n’en peut plus de ses visites intempestives qui n’ont d’autre but que de lui soutirer de l’argent. Cette fois c’en est trop, elle va éconduire le gars et lui interdire de remettre les pieds chez elle tant qu’il ne l’aura pas remboursée. Elle envoie Augusta faire une course pour l’éloigner et rejoint Fichefet dans la salle à manger.

Les empreintes de l’assassin (AEN)

La scène de crime (AEN)
Le ton de la conversation monte vite. Mme Burton reproche à Fichefet son ébriété et son mode de vie. Contrarié, surexcité, Fichefet se fâche. Il sort un revolver et tire. La balle touche Mme Burton à la tête mais elle s’écrase sur l’os temporal tout en provoquant une hémorragie interne. Mme Burton peut encore dire : « Et te voilà assassin maintenant ». D’une main tremblante, Fichefet tire quatre balles supplémentaires qui n’atteindront pas la victime. Fou de rage, il sort de son pardessus un rasoir pliant et frappe violemment la pauvre Mme Burton qui lutte pour se débattre. Il lui lacère la tête, tranche les artères carotides. Le sang gicle dans la pièce. Mme Burton s’effondre dans une mare de sang.
Les coups de feu et les cris de Mme Burton ont alerté le voisinage. Les voisins s’assemblent devant la maison. Ne pouvant fuir de ce côté, Fichefet se sauve par le jardin, enjambe le mur et les clôtures des autres propriétés. On le poursuit. Il se cache d’abord dans une parcelle de groseilliers. Un officier retraité, le colonel Ameye, finit par le débusquer allongé à plat ventre dans un champ de luzerne. On s’en saisit et on le livre au commissaire de police Ledoux alerté rapidement. La foule veut lyncher l’assassin qui prétend au contraire être innocent et s’être lancé lui-même à la poursuite de l’auteur du crime. Il a pourtant les mains pleines de sang et ses habits en sont maculés.
Deux jours après, comme tout le confond, il fait des aveux complets : « C’est moi qui ai tué Mme Burton ». Le juge d’instruction Louis Marissiaux est chargé de l’enquête et de préparer les audiences de la Cour d’Assises. Il a fait relever par un géomètre de Salzinnes-les-Moulins, Joseph Leblanc, la scène de crime et les alentours. Il recueille les témoignages des voisins, ceux des cabaretiers namurois, de la petite Augusta et des proches de Fichefet. La défense assurée par les avocats Frapier et son gendre Bribosia argumentera vainement l’irresponsabilité de leur client. Les rapports des médecins aliénistes les contrediront clairement.
Au terme de quatre jours de débats, le 15 décembre, le jury d’Assises de Namur, présidé par un professeur de l’Athénée de Namur, déclarera Fichefet coupable d’assassinat avec préméditation. La Cour le condamnera aux travaux forcés à perpétuité. En mars 1906, la Cour de Cassation rejettera son pourvoi.
Sources : Archives de l’Etat à Namur, archives de la Cour d’Assises de Namur, n°384

Le quartier Dave-Géronsart (AEN)