M. Jean Materne photographié dans son bureau (1964)

Inauguration du pont des Ardennes par le
prince de Liège, le 3 juin 1954
À droite sur la photo, le bourgmestre de Jambes.

Encart publicitaire des Etablissements Materne (1958)

Albert Houart (né en 1914),
Jean Materne
1958. Bronze.
Coll. non localisée.

Le nom Materne évoque pour d’aucuns et pas uniquement les Jambois un petit déjeuner agrémenté de confitures de fruits pour lesquelles on se pourlèche volontiers les babines. La commune de Jambes a été le siège de cette confiturerie de renommée internationale. Ce n’est pas étonnant lorsque l’on sait que beaucoup de Jambois ont été actifs dans le métier des vignerons et des côteliers, un des plus anciens métiers de Namur. Cette corporation alimentait le marché de la ville en fruits et légumes.

Édouard Materne, le précurseur

Éd. Materne (né à Dave en 1856) travaille avec son père dans le domaine du commerce de fruits (c. 1888). Il est associé à la confection du poiré, concentré de poires et de pommes fabriqué avec l’excédent de la production.
Éd. Materne épouse Julie Dessy et fonde à Wépion une entreprise familiale sous la raison sociale Établissements Édouard Materne-Dessy spécialisés dans la production et la vente de fruits. C’est grâce à cette entreprise que la culture de la fraise s’intensifie à Wépion et sur l’île de Dave. Madame Materne participe aux activités de son époux en fabriquant du sirop (sirop de betterave, sirop pur fruit et sirop mélangé) qu’elle commercialise dans le Namurois et la région de Charleroi.
L’entreprise se développe et engage du nouveau personnel. En 1896, elle est transférée à Jambes aux abords immédiats de la gare du Nord à laquelle elle est raccordée pour faciliter l’acheminement des produits. L’année suivante, des mesures gouvernementales entraînent l’exonération des droits fiscaux sur le sucre, composant indispensable des confitures. Éd. Materne se lance dès lors pleinement dans la fabrication de ce produit. Il acquiert du matériel approprié et s’entoure de spécialistes. Au tournant du siècle, le chef d’entreprise diversifie sa production : pâtes de fruits, conserves de fruits. Son épouse collabore étroitement à l’expansion de l’entreprise tout comme ses cinq fils. Jean, l’aîné, travaille dans la manufacture familiale depuis l’âge de 15 ans.
Jean Materne et l’expansion de l’entreprise

Jean Materne prend les rênes de l’entreprise en 1923 et lui confère un essor considérable grâce à la collaboration de ses frères. Il fonde une nouvelle usine à Boué (Thiérache française) dont la direction est confiée à son frère Paul. Jean Materne développe encore l’activité de la maison mère notamment en produisant de la pectine (gélifiant utilisé dans les confitures).
La confiturerie de Jambes compte plus d’un millier d’ouvriers accompagnés par des collaborateurs administratifs et techniques performants.
En 1940, J. Materne acquiert une usine à Bruxelles qui prendra elle aussi un certain essor. C’est l’époque où le manufacturier s’intéresse aux nouvelles méthodes de conservation des aliments, notamment celles dues au froid. Après la guerre (1946), il fonde une nouvelle usine de Quick Freezing à Grobbendonk spécialisée dans les conserves de légumes. Ce sont les produits Frima.
Jean Materne a presque créé un monopole en produisant plus de la moitié de la confiture industrielle belge mais en s’assurant aussi des débouchés internationaux. Ce chef d’entreprise était apprécié par son personnel pour ses qualités humaines pratiquant au quotidien un réel libéralisme social.

Jean Materne, le politique

Dès 1910, J. Materne adhère aux Jeunes Gardes libéraux mais c’est en 1926 qu’il entre dans la vie politique active au niveau communal. D’abord dans l’opposition, il devient bourgmestre de Jambes en 1933, poste qu’il occupe jusqu’à son décès en 1964. Le bilan de son action politique à Jambes est impressionnant, dit C. Douxchamps-Lefèvre, marqué par son esprit de justice sociale et sa volonté d’améliorer les conditions de vie de ses administrés. Il a géré les finances communales avec ses qualités de chef d’entreprise ; il les a affectées à la construction d’écoles modernes, d’un stade sportif, à l’aménagement de parcs et jardins. Jean Materne est aussi à l’origine du Foyer Jambois, créé en 1928, dont les objectifs visent à la construction d’habitations sociales. Plus largement, on assiste à l’aménagement de cités jardins établies en périphérie (Amée, Cité Souvenir). Grâce au soutien du bourgmestre, une nouvelle église voit le jour à Velaine.
De 1954 à 1963, J. Materne est sénateur provincial mais c’est son action de municipaliste qui aujourd’hui encore transparaît dans la cité jamboise. L’artère principale de l’ancienne commune porte fort heureusement son nom en remplacement de l’avenue des acacias.
Son fils, Raymond lui succédera comme bourgmestre. Sa demeure de la rue Mazy, construite à front de Meuse, est aujourd’hui le siège de la Présidence du gouvernement wallon.

Jacques Toussaint,
Président du Centre d’Archéologie, d’Art et
d’Histoire de Jambes

Pour en savoir plus :

Jambes-sur-Meuse. Cité Moderne. Cité d’Avenir. Cité de Joie, Jambes, 2e éd., 1958, 3e éd., 1964, nombreuses références; X, En présence de nombreuses personnalités Jambes a fait de grandioses funérailles à son bourgmestre Jean Materne, dans Vers l’Avenir, 26 juin 1964; X, M. Jean Materne, dans Pourquoi Pas ?, 21 juillet 1939; C. Badot, Jambes autrefois … et aujourd’hui, Namur, 1948, pp. 229-233; Ph.-E. Detry, Materne Jean, dans Fr. Jacquet-Ladrier (sous la dir.) Dictionnaire biographique namurois, n° spécial de la revue Le Guetteur wallon, nos 3-4, 1999, p. 171; C. Douxchamps-Lefèvre, Materne Jean, Joseph, Dieudionné, dans Nouvelle biographie nationale, 6, Bruxelles, 2001, pp. 294-296; D. Franquien, Souvenirs de Jambes, Beersel, 1998, pp. 7, 62, 110; G. Maison, Wépion, berceau d’une nouvelle industrie : les confitures Materne, dans Wépion 2000, n° 67, octobre 1980, non paginé.