CHAPITRE III : Le pont de Jambes de 1950 à nos jours

Les années qui ont succédé à la seconde guerre mondiale ont vu s’aviver les polémiques dont faisait l’objet le pont de Jambes. Celui-ci avait en effet subi de graves dommages au cours du XXe siècle qui n’avaient pas seulement abîmé sa superstructure, mais compromettaient gravement sa cohésion. Les torpilles allemandes l’avaient de fait touché dans la profondeur de sa masse. Dans le débat mené entraient également en considération l’étroitesse de la voie carrossable encombrée par une ligne de tramway vicinal (encore existante en 1947), et sa réelle déficience du point de vue du trafic fluvial : le rapprochement des piles de soutènement représentait un réel danger pour la navigation et l’insuffisance du passage entre les arcades devenait flagrante au fur et à mesure des capacités croissantes de tonnage supportées par les bateaux [13].

Au début de l’année 1946, une commission technique composée d’ingénieurs rassemblés sous la présidence de Pierre De Smet [14] avait été chargée par la ville de Namur de lui faire rapport sur la nécessité ou l’opportunité de remplacer le vieux pont de Meuse par un nouvel ouvrage. Cette dernière avait abouti le 22 juin 1946 au maintien intégral de l’ouvrage, eu égard à sa valeur esthétique et historique, ou à son remplacement par un nouveau pont en rappelant autant que possible l’aspect original. En dépit de toutes les argumentions employées, le Conseil supérieur des Ponts et Chaussées décida au début d’octobre 1946 la destruction complète de l’édifice. La controverse fut alors des plus virulentes : il s’agissait non seulement de préserver la valeur d’un ouvrage vénérable mais de conserver également la physionomie de tout un site.

Plus de dix ans plus tard, en 1958, un Conseil des Ponts et Chaussées, présidé cette fois par le Secrétaire général Willems, fut réuni. La ville de Namur, la commune de Jambes et la Commission Royale des Monuments et des Sites acceptèrent, le 11 décembre de cette année, le compromis proposé : les deux arches centrales du pont seraient remplacées par une arche en « anse de panier » pour permettre le passage de bateaux de gros tonnage et la voirie serait élargie dans la mesure jugée strictement indispensable (2 bandes de roulement de 3,50 m et deux trottoirs de 2,40 m). L’adjudication eut lieu le 6 juillet 1961 et l’on retint la proposition des Entreprises Leurquin tout en faisant débuter les travaux le 1er septembre 1961.

Notes

13. Les renseignements que nous avons pu recueillir à ce propos proviennent en majeure partie de l’étude due à HENRARD G. & PIRSON E. (1967). La reconstruction du Pont de Jambes (1961-1965). Annales des Travaux Publics de Belgique, 4, 313-330.

14. DE SMET P. (1947). Le Pont de Jambes. Revue Générale Belge, 530-541.

Opération de stéréophotogrammétrie (procédé basé sur la stéréoscopie et qui permet de faire des cartes topographiques à partir de photographies aériennes) permettant de traduire fidèlement les formes de la construction qu’il faudra reproduire lors de la reconstruction (Coll. R. de FAYS).