CHAPITRE II : Les vicissitudes du pont de Jambes entre le XVIIe siècle et la deuxième guerre mondiale
1. Le pont de Jambes pris au cœur des sièges de la ville de Namur au XVIIe siècle

a. Le siège de 1695 par les alliés durant la guerre de la Ligue d’Augsbourg

1695 marque la revanche du Royaume d’Angleterre, aidé par le Saint-Empire romain et les Provinces-Unies, sur le siège de 1692. Commandé par le roi Guillaume III avec l’élite de ses troupes dont la Brigade de Gardes, le combat durera trois mois, et coûtera la vie de 8 000 hommes dirigés par le Maréchal Boufflers et de 12 000 des soldats des assiégeants. Les Français, contraints à la capitulation, se retireront sur les hauteurs du Champeau, mettant un terme au siège le plus dramatique de l’histoire de Namur.

Le pont est fortement endommagé, surtout du côté de Jambes : les trois dernières arches en bois sont maintenant entièrement démolies. L’ingénieur militaire Menno van Coehoorn, dit le « Vauban hollandais », est chargé par Guillaume III, au lendemain du désastre, de restaurer et de compléter les ouvrages défensifs du site. Le pont-levis et les arches en bois sont alors exactement reproduits en suivant le modèle préexistant.

Si le plan en relief de Larcher d’Aubancourt témoigne déjà de la consolidation du pont de Meuse une cinquante d’années après les opérations de guerre, il nous parvient également des précisions sur l’aspect de l’ouvrage et ce, dès 1695. En effet, celui-ci est visible sur trois lavis réalisés par le peintre des batailles Thierry Maas conservés par le Musée archéologique de Namur [8], de même que sur une très belle aquarelle rehaussée à l’encre de Chine, datée de 1697 et réalisée par le hollandais Valentin Klotz (qui semble avoir été sous les ordres du baron van Coehoorn). La formation de topographe du dessinateur, habitué aux levés sur le terrain, lui fit rendre le pont avec un souci du détail beaucoup plus élevé que dans les estampes contemporaines, tant et si bien que son dessin du pont correspond encore aux descriptions fournies par Jules Borgnet dans ses documents d’archives [9]. Remarquons que la deuxième pile porte un guet, que sur la septième, la Tour de Beauregard n’est plus qu’une bâtisse avec un toit en bâtière, sans caractère architectural particulier et à laquelle on n’ose plus attribuer le terme de « tour ». Le pont se trouve encore défendu vers Jambes par un pont-levis s’abaissant entre deux arcades de moellons et présente une passerelle en madriers, certainement provisoire, qui est appuyée sur la dernière pile. La minutie de cette exécution fait de ce document une archive de très haute valeur pour les détails qui nous intéressent.

Notes :

8. s.n. (1875). Documents et mélanges. Vues du siège de Namur, en 1695. Annales de la Société archéologique de Namur, T 13, 391.
9. BORGNET J. (1851-1859). Promenades dans Namur. Namur : Wesmael-Legros, 160-161.

Dessin aquarellé de Dirk Maas (détail).
Coll. Fondation Société archéologique de Namur © SAN

Lavis de Burin d’après un dessin d’E. B. Werner (détail)
À gauche, le pont de Jambes avec la tour Beauregard et l’ancienne église Saint-Symphorien.
Au pied de la citadelle, le quartier Notre-Dema groupé autour de l’ancienne collégiale.
(Coll. Fondation Société archéologique de Namur © SAN.

 

Le Château de Namur et le pont de Meuse  en 1607
Aquarelle de V. Klolz, Musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.
Reproduction tirée de F. Courtoy, Namurcum, 6, 1959, p. 53.