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RENCONTRE par Caroline Remon
De la terre et des fleurs...
Entretien avec Madame Judith Lemercinier
La maison de mes parents a été expropriée riste (je suis graphiste), c’est sans doute les
pour la construction de la rue Pierre du Diable côtés curieux, fonceur, artiste et bavard de
(à l’époque un petit chemin de terre). Tout le papa qui m’ont aidée.
quartier a été loti. Le développement immobi- Et surtout le fait de l’avoir toujours vu privilé-
lier a pris de plus en plus d’ampleur au fil des gier la qualité à la quantité.
années. Les terrains maraîchers ont progres-
sivement disparu. Quel héritage gardez-vous du passé ?
Je reste attachée à mes racines, dont je suis
Qu’est-ce qui vous a poussée à exercer la très fière. Une partie des verdures utilisées
profession de fleuriste ?
au magasin proviennent des jardins de mes
Je dois avouer que cela n’a rien à voir avec sœurs (deux d’entre elles sont restées dans
la profession de mes parents. Aucun des six le quartier) et de ceux de mes gentils voisins.
enfants de la famille n’a souhaité reprendre
le métier. Mon passé de fille de maraîchers me rend
J’ai plutôt réalisé le rêve de mon mari. sensible à l’écologie. J’utilise depuis toujours
N’étant pas du tout destinée à devenir fleu- du papier kraft, je privilégie les matières recy-
Émile et Léontine Lemercinier, grands-parents de Judith, maraîchers Rue Pierre du Diable avant Joseph Lemercinier, maraîcher
sa construction, on est dos à la Meuse et papa de Judith
Madame Lemercinier, vous êtes née à Papa était passionné par son métier, il a tra-
Jambes, vous y vivez et votre commerce vaillé jusqu'à ses 75 ans.
« Fleurs et Jardins » est situé au 459 rue de Il était en contact avec les facultés agrono-
Dave. Quelle est votre histoire familiale ? miques de Gembloux, et se prêtait volontiers
à des expériences plus ou moins réussies.
Ma famille est implantée dans le quartier dit
de « Velaine » depuis plusieurs générations. Ses grandes spécialités : la salade frisée de
Namur, la tomate et le concombre en été. En
Mes grands-parents Émile et Léontine Le- hiver, grâce aux serres chauffées, c’était le
mercinier y étaient déjà maraîchers à la fin du céleri et le poireau.
19 siècle. Il se rendait deux fois par semaine à la criée
e
Mon papa les aidait. de Malines pour vendre sa production tou-
Mes parents Joseph et Clarisse Lemercinier jours très attendue par les acheteurs.
ont repris les cultures lors du décès de mon Vient ensuite le développement immobilier
grand-père en 1944. de Jambes qui conduira progressivement à
L’étendue des terrains était importante, ils la quasi disparition des terrains maraîchers
étaient entourés de nombreux autres maraî- dans le quartier.
chages. Les terres étaient fertiles grâce au li- Le quartier a effectivement bien changé au
mon de la Meuse. Papa disait toujours qu’elles cours des dernières décennies. Il y avait peu
étaient aussi noires et riches que du terreau. de bâti jusqu’au début des années 60.
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