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ART & PATRIMOINE                                   Vu le déficit récurrent de la caisse des chaussées,
                                                    et ce malgré une aide financière non négligeable
                                                    de la ville, Sa Majesté l’empereur autorise, le 13
 Monuments jambois disparus (II)                    janvier 1780, celle-ci à vendre la maison de la
                                                    barrière Sainte-Barbe – son loyer ne rapportait
 La maison de la barrière Sainte-Barbe              pas plus de 215 florins l’an en moyenne - et son
                                                    remplacement par une simple logette ou petite
 Au pied de la Montagne Sainte-Barbe existait   variait suivant la nature des véhicules utilisés et   demeure pour le préposé. Le 28 novembre la
 autrefois une « maison de la barrière ». Cette   du nombre de chevaux attelés. Les travaux, dont la   bâtisse est adjugée pour 5.366 florins et quelques
 appellation curieuse, qu’on retrouve encore de   surveillance est confiée à l’entrepreneur namurois   sous à Jean-Joseph Abras, locataire du bien
 nos jours dans quelques noms de lieu (Barrière   Nicolas Bolvin (qui est aussi l’entrepreneur de la   (Fig. 2) La maison de la barrière en   depuis une bonne dizaine d’années.
 de Champlon, Barrière Hinck, etc.), désigne tout   chaussée), se terminent en 1727. Ils sont réalisés   1771, avec deux petits cabinets qui   Le bâtiment a été démoli durant la première moitié
                                                         e
 simplement l’ancêtre des péages qui jalonnent   en régie par une foule d’artisans pour la plupart   ont été ajoutés sur la gauche en   du XIX  siècle et remplacé par le vaste bâtiment
 certaines autoroutes, françaises notamment.  namurois. Leur coût élevé – 5.550 florins – équivaut   1737 (AÉN, Cartes et plans, n° 404,   néo-classique de la famille Ortmans-Godin,
 La construction de chaussées dignes de ce nom, en   au prix d’une petite église de campagne ou d’un   détail).  laquelle a donné deux bourgmestres à Jambes
 lieu et place de « grands chemins » non empierrés   bon presbytère ! (fig. 1)  en 1846-1862 et en 1867-1869.
 et donc impraticables à la mauvaise saison, fut   Les travaux sont adjugés, le 30 juillet 1737 à
 dès le XVII  siècle encouragée, voire imposée   l’entrepreneur Jean-François Pierard, de Namur,   Jean-Louis Javaux et Bernadette Hubert,
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 par le gouvernement central afin de répondre à   pour 550 florins. (fig. 2)  Attachés honoraires au SPW,
 des préoccupations politiques et militaires plutôt   (Fig. 1) La maison   La maison de la barrière, qui est affermée   Département du Patrimoine et
 que pour favoriser et développer les échanges   de la barrière et ses   simultanément ou non avec la perception des   Fiona Lebecque,
 commerciaux. Leur financement était toutefois   dépendances (en rouge),   droits, offre également le gîte et le couvert aux   Présidente-Conservatrice
 détail d’un plan dressé
 supporté par les États provinciaux qui, sous   par le géomètre Lannoy   voyageurs, moyennant rétribution évidemment,   du Centre d'Archéologie,
 l’Ancien Régime, préfiguraient en quelque sorte les   le 18 février 1727. En   ce qui permet de compenser le manque à   d'Art et d'Histoire de Jambes
 provinces d’aujourd’hui, ainsi que par les villes et   A, le tracé de l’ancien   gagner lorsque le trafic se fait
 les communautés rurales. État et ville de Namur ne   chemin et, en G, de   moins dense (guerres, inon-
 s’y aventurèrent que timidement et n’entreprirent   la nouvelle chaussée   dations, ralentissement du trafic
 vers Luxembourg, avec
 de créer des chaussées pavées vers le nord – les   l’emplacement, en F, de   suite à l’ouverture d’une seconde
 chaussées de Bruxelles et de Louvain – et vers   la barrière mobile. Le   chaussée par la Meuse, etc.).
 le sud – la chaussée de Luxembourg – que par   nord est en bas (AÉN,   Le revenu des droits de barrière
 tronçons sporadiques.  Cartes et plans, n° 241,   à Sainte-Barbe a fortement
 La construction de cette dernière est mise en   détail).  varié d’une période à l’autre,
 chantier à partir de 1725 pour atteindre Vivier-  s’échelonnant entre 800 et 1.600
 l’Agneau (Courrière) en 1728. Son coût laisse   florins. Au total, la ville de Namur
 rêveur : un peu plus de 64.143 florins, soit presque   en a retiré 82.700 florins entre
 l’équivalent d’un hôtel de maître comme celui des   1727 et 1793, soit un « bénéfice
 Groesbeek de Croix à Namur ! Il faut attendre   La bâtisse en moellons de calcaire sous toiture   » d’environ 9.000 florins en
 les années 1760 pour que soit ouvert le tronçon   d’ardoises comporte deux pièces au rez-de-  65 ans par rapport au coût de
 entre Vivier-l’Agneau et Emptinne, près de Ciney,   chaussée, chauffées chacune par une cheminée,   construction de la chaussée,
 à la frontière de la principauté de Liège. Elle   et autant à l’étage sous combles, des caves voûtées   des barrières de Jambes et
 n’atteindra toutefois sa destination finale... qu’au   et un four à pain. Elle est éclairée par des fenêtres   du Tronquoy, de la plantation
 XIX  siècle !  à croisée et par une baie à meneau à la lucarne   d’arbres et du désintéressement   (Fig. 3) La première barrière sur la route de Liège : cette lithographie
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 Afin de financer la construction et l’entretien de   axiale de l’étage. Un escalier en chêne, à balustres   des terrains expropriés... (fig. 3)  de De Rousseaux d'après un dessin du général de Howen, de 1824,
 ces chaussées, des « barrières » sont établies tout   tournés, relie les deux niveaux habitables. Deux   donne une excellente idée de ce qu’était la maison de la barrière
                                            au pied de la Montagne Sainte-Barbe (Coll. Fondation SAN).
 au long de leur tracé, ainsi, vers le sud, à Jambes   autres bâtiments, sur les côtés de la cour arrière,
 et au Tronquoy (Wierde).  abritent l’un une écurie sous fenil, l’autre une
 Dès le 25 janvier 1726, la ville de Namur décide de   soue à cochons.  Sources :
 faire construire, au pied de la Montagne Sainte-  Mais dix ans à peine après sa construction, la   J.-L. JAVAUX,  La maison de la barrière Sainte-Barbe à Jambes. Construction et entretien (1726-1780), dans
             Cahiers de Sambre-et-Meuse, à paraître ; J. LAMBERT, Les droits de barrière sur les chaussées de Louvain et de
 Barbe, une maison destinée aux préposés à la   bâtisse doit être agrandie par deux nouveaux   Luxembourg au XVIII  siècle, dans Annales de la Société archéologique de Namur, t. 67, 1991, pp. 65-97.
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 perception des droits de passage, dont le tarif   cabinets au rez-de-chaussée et autant à l’étage.

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