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ART & PATRIMOINE

 La Maison de la Pierre du Diable


 entre histoire et légendes



 La Maison de la Pierre du Diable connue de   Moyen Âge, on ne pouvait croire que le réseau
 tous les Jambois et située au n° 404 de la Rue   routier fût mis en place par les Romains et on en
 de Dave tire son nom d’un dolmen (en breton   attribuait la réalisation à des êtres surnaturels
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 dol : table ; men : pierre) datant du III  millénaire   ou des personnalités célèbres. Dans nos régions,
 avant J.-C. Ce mégalithe préhistorique est   ce serait la Reine Brunehaut, magicienne qui,
 exceptionnel car il représente un des témoignages   en une nuit, aurait fait construire les routes et
 les plus méridionaux de la « culture des gobelets   monuments importants, dont le dolmen qui serait
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 à entonnoirs » . Il fut détruit en 1820 par le   sa sépulture .
 propriétaire de la maison construite à proximité   Vers 1740, le dolmen se voit attribuer le nom de
 en 1737 , un certain Monsieur Jurard ou Gérard   « Pierre du Diable ». Ce sobriquet vient de la
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 qui avait urgemment besoin de pierres pour   légende racontée par le chapelain namurois J.
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 consolider sa grange .  Dupont en 1694 : saint Materne aurait converti les   Maison de la Pierre du Diable.
 Au cours de son existence, le dolmen se vit   locaux après avoir retiré la statuette du dieu païen
 affubler de divers noms. On en trouve une   Nam du dolmen qui lui servait d’autel et qui sera
 première mention en 1273 dans le testament de   dorénavant appelé « la pierre du Diable à raison
 Nicolas de Jambes dit de Bouges, qui le désigne   des sacrifices que l’on soupçonne y avoir été offerts   dédiée à saint Materne qui lui survit 60 ans avant   de l’eau un cor à la main, encadrant un Christ
 sous la mention de « pierre » . Plus tard, on   au démon » . Ce rattachement avec la légende se   d’être détruite par un ouragan en 1880.  bénissant. On observe aussi une croix sur
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 trouve le nom de « Pierre de Brunehaut ». Au   marque par l’adjonction au dolmen d’une chapelle   La maison d’aujourd'hui présente d’autres   une pierre encastrée dans le mur arrière. Ces
           éléments intéressants. Sur sa façade, on trouve   éléments montrent que les anciens propriétaires,
           une pierre de 1798 blasonnée aux armes d’Espagne   dignes héritiers de Jurard/Gérard, n’ont pas hésité
 Extrait tiré des Voyages    et surmontée d’une couronne qui aurait été   à se servir de pierres tombales des cimetières
 d’Alfred Nicolas, II, p. 158. 7  martelée par des révolutionnaires français de   avoisinants pour la construction de leur maison  ,
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           passage dans nos régions  . On retrouve également   seule survivance du dolmen d’où elle tire son nom.
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 Mais Monsieur Jurard  un bas-relief représentant deux nymphes sortant
 N’eut point tant d’égard.
 Le monsieur Jurard                                                        Thomas Leblanc
 Ayant à refaire
 Son chétif hangard.
 Eut besoin naguère  Notes :
 De quinze à vingt pierres.  1. Huysecom, E., Le dolmen de Jambes, dans ASAN, t. 62, 1982, pp. 61-62.
 Il prend un marteau,  2. scHuermans, H., La pierre du Diable. A Jambes, lez-Namur, dans Bulletin des commissions royales d’art et
 Il prend un ciseau,  d’archéologie, t. VIII, 1869, p. 20.
 Et notre honorable,  3. DouscHamps-Lefèvre, C., La commune de Jambes de 1795-1977. Les grands traits d’une constante expansion,
 Plus fier qu’un héros,  Jambes, CAAHJ, 2008, p. 25.
 Va mettre en morceaux  4. Borgnet, J., Deux testaments namurois, dans Annalectes pour servir à l’Histoire ecclésiastique de la Belgique,
 La pierre du diable  t. VII, 1870, p. 493.
             5. rousseaux, F., Légendes et Coutumes en Pays de Namur, vol. II, Bruxelles, Commission Royale Belge du
 Maudit abatteur,  Folklore, 1971, pp. 22-23.
 Maudit abîmeur  6. anonyme, Essai sur l’histoire de Namur par un Namurois, vers 1740, p. 11.
 A mettre à la porte ;  7. granDgagnage, F.-Ch.-J., Voyages et aventures de M. Alfred Nicolas au Royaume de Belgique, t. 2, p. 158.
 Maudit morcelleur,  8. BaDot, C., Jambes autrefois… et aujourd'hui, Namur, Editions Mosanes, 1948, p. 39.
 Maudit marteleur
 Le diable t’emporte.  Gravure du dolmen avant sa destruction en 1820.  9. cHainiaux-garny, C., L’ensemble mégalithique de Velaine, Namur, Syndicat d’Initiative de Jambes, 1975, pp. 45-48.


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