CHAPITRE I : Origine, aspects et rôles du pont de Meuse
  1. De la légende… à la réalité

Les historiens s’en tiennent toujours à rapporter la légende qui s’attache à l’origine du pont de Jambes avec la circonspection qui s’impose. Elle se résume comme suit : vers l’an 200 avant l’ère chrétienne, le Prince Bourgal, connu comme un grand bâtisseur, éleva les tours de Piedfort, Bourgal et Joyeuse sur la montagne du Champeau. Ensuite, il fit jeter sur la Meuse un pont au milieu duquel il dressa une quatrième tour appelée Tour de Beauregard1. Son nom provient sans doute de son opposition à la Tour de Malregard, située au sommet du château de Namur.

Bien que n’ayant aucun témoin historique sûr (et nécessaire) pour l’acceptation d’une origine antique du pont, il ne faut certainement pas conclure à la non-existence de celui-ci à l’époque gallo-romaine. Le fait est que Jambes, au Haut-Empire, était déjà traversée par une grande voie de communication plutôt importante d’un point de vue économique et stratégique. Cette route dite « du Luxembourg » montait vers l’Ardenne pour gagner la Lorraine et la Franche-Comté, et débutait fort probablement du pont de Meuse.

En vérité, la date d’érection du pont de Jambes demeure incertaine jusqu’au XIIe siècle. Le premier indice chronologique avéré nous est fourni par un acte de 1183 par lequel le clerc Désiré cède, à charge de rente viagère aux religieux de Géronsart situés à Jambes, une maison sur le pont qu’il possède « héréditairement »2. L’emploi de cette expression a permis de conclure à la préexistence du pont avant cette date. C’est pour cette raison que nous pouvons croire que son édification remonterait au XIe siècle, c’est-à-dire à l’époque où se situent la construction et le rétablissement de nombreux ponts mosans dans le cadre du renouveau économique du Duché de la Basse Lotharingie dont ils font partie. Notons parmi ces ponts celui des Arches à Liège (fait par ordre de l’Evêque Réginard en 1025-1038), celui de Huy cité en 1066, et le pont de Dinant construit en 1080.

La première précision sur la forme générale du pont de Meuse nous est fournie par le registre des cens et rentes du Comté de Namur dressé en 1289. Il y est question d’un pont de pierre et de bois présentant en son milieu une tour avec une grosse porte et une herse de fer. La tour y est également citée comme « beffroi ». Ensuite, ce n’est qu’au début du XIVe siècle que les sources – notamment les comptes de la Ville de Namur – permettent une connaissance plus précise du pont : à l’époque, il se composait de sept piles en pierre allant de la rive gauche (à l’extrémité de la rue Notre-Dame) à la rive droite de la Meuse. Il se terminait par deux arches avec tablier de bois recouvert de pavement. Sur la septième pile s’élevait une tour carrée – la Tour de Beauregard – percée d’une porte et protégée par un pont-levis défensif s’abaissant sur la huitième pile.

Notes :

  1. COURTOY F. (1957). De la Tour de Beauregard aux « Dames » du Pont de Meuse à Namur. Namurcum, T. 31 (3), 40.
  2. BARBIER V. (1886). Histoire du monastère de Géronsart. Namur : s. ed., 216.

Vue de Namur prise des hauteurs de Bouge, tirée d’une édition de Guicciardini (1588) d’après Mazius.