CHAPITRE I : Origine, aspects et rôles du pont de Meuse
2. L’importance du pont de Meuse au Moyen-Age
Jambes était déjà, au Xe siècle, une possession du Prince-évêque de Liège et demeurera « Mense épiscopale », ou patrimoine foncier attribué au souverain, jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Par ce fait, Jambes aura une administration distincte de celle de Namur, avec un échevinage particulier et ses lois propres, bien qu’elle restera dépendante, du point de vue spirituel, de la Collégiale Notre-Dame de Namur3.
En matière de juridiction, la franchise de Jambes ne s’arrêtait pas à la rive : elle couvrait à cette époque un espace du fleuve. Cette circonstance explique les particularités de la structure du pont dont nous savons qu’il a possédé, au bout des arches de pierre du côté de Jambes, une passerelle de bois et la Tour de Beauregard.
En réalité, outre d’assurer le franchissement de la Meuse, le pont de Jambes, flanqué de sa tour, assuma alors un quadruple rôle :
– il servait de limite territoriale entre Namur et Jambes ;
– il se faisait le théâtre de nombreux jugements ;
– il était une source de revenus ordinaires ;
– et s’est avéré d’un intérêt stratégique indéniable dès le XVIe siècle.
Nous aborderons tour à tour ces rôles et la manière dont il les a incarnés.
a. Le pont comme limite territoriale
La tour du pont de Jambes marquait la limite des juridictions de Namur et de Jambes, ainsi que la limite des eaux territoriales de la Meuse. Les échevinages de Namur et de Jambes s’y rencontraient pour y traiter de questions communes, telle que l’entretien du pont – charge communale souvent lourde – ou sa réfection, cas très fréquent étant donné les dégâts occasionnés presqu’annuellement par les crues du fleuve. Il arrivait que les frais des travaux soient répartis par trois, entre le Comte de Namur, la ville de Namur et le Prince-évêque de Liège.
Puisqu’elle représentait une limite territoriale et qu’elle permettait à l’échevinage de Jambes de traiter de pair avec celui de Namur, la Tour de Beauregard s’est naturellement imposée en tant que symbole pour les Jambois, tant et si bien qu’ils la firent figurer en bonne et due place sur les armoiries et sur le sceau communal, dès le XIIIe siècle.
L’historien wallon Josy Muller reproduit dans une de ses études le sceau de l’échevinage de Jambes en usage connu de 1430 à 16964. Il représente trois des arches du pont de manière latérale, sommées de la tour vue de face. L’aspect le plus intéressant de la composition est que la tour y est ainsi représentée en élévation, c’est-à-dire que pour une question de stylisation propre au graveur, il en a faussé la perspective en rabattant la tour dans le plan alors que, dans le réel, elle était bien tournée de profil vers Jambes.
Si la tour et son paysage appartiennent indéniablement au passé, son symbole sur le pont de Meuse s’est néanmoins encore confirmé par l’usage récent de la représentation par l’ancienne Commune de Jambes. Un Arrêté Royal daté du 25 juin 1952, autorisa en effet la Commune à faire à nouveau usage du sceau dont elle était en possession en cette époque reculée. Et attestant encore une fois de la charge territoriale de l’insigne, il subsiste encore aujourd’hui quelques associations locales qui ont intégré la représentation à leur logo officiel.
Notes :
3. CHAINIAUX-GARNY C. (1976). Velaine (commune de Jambes, Namur), des origines aux Temps Modernes. Namur : s. ed.
4. MULLER J. (1952). Réparations au Pont de Meuse à Namur en 1799 et 1818. Le Guetteur Wallon, 106, 7.