CHAPITRE II : Les vicissitudes du pont de Jambes entre le XVIIe siècle et la deuxième guerre mondiale
2. Le pont au travers des XVIIIe et XIXe siècles

a. 1740

Le monument était à peine restauré par Menno van Coehoorn que se produisit la fameuse inondation de 1740. Entre toutes celles dont Namur fut affligée au cours du temps, celle de 1740 est restée particulièrement célèbre. Et pour cause : des mémoires inédits d’époque ont permis de déterminer avec exactitude l’étendue des dégâts causés par les crues les 11, 19 et 28 décembre de cette année fatidique10. Les grandes pluies tombées durant tout l’automne avaient enflé les eaux de la Meuse, de la Sambre, de l’Arquet et du Hoyoux à un point tel qu’elles se répandaient dans toute la ville, depuis l’hôtel de ville jusqu’à la porte Saint-Nicolas. Bien que le pont ait été en partie recouvert par les eaux, il semble toutefois avoir résisté à l’épreuve. Malheureusement, cette crue ne présageait en réalité que de plus graves dommages que le pont aurait à subir dans un avenir plutôt proche.

De cette époque date une série de lavis acquis par le Musée archéologique de Namur en 1927. Ceux-ci sont l’œuvre du peintre Jan de Beyer spécialisé dans la reproduction des vues de villes et sont datés de 1740. Sur la deuxième pile du pont, nous remarquons une bretèche, c’est-à-dire un petit avant-corps de défense construit en saillie. Celle-ci est déjà indiquée sur l’aquarelle de Valentin Klotz. Malheureusement pour nous, en ce qui concerne les trois dernières piles du côté de la rive droite, le peintre a préféré les masquer par de la végétation. Nous savons toutefois qu’elles sont encore à cette époque construites en bois.

b. 1746

Ce n’est qu’en 1746 qu’on les bâtit en matériau dur. En effet, au cours de la guerre de succession d’Autriche, l’armée française de Louis XV reparaît à Namur et alors que les arches en bois du côté jambois sont détruites, l’architecte Denis-Georges Bayart est chargé, la même année, de les reconstruire en pierre.

c. 1760

Le pont-levis qui relie la septième à la huitième pile est démonté et remplacé par une arche en pierre construite par Hubert-Joseph Petiaux. La Tour de Beauregard, ou plutôt la bâtisse en laquelle avait été transformée, fut supprimée à cette époque. Elle est remplacée par une porte dont Jules Borgnet donne une description d’autant plus précise qu’elle était encore visible en 182811 : « Elle se composait de deux pilastres de style rustique, surmontés chacun d’une boule placée sur un piédestal : d’où la dénomination de « Dames » qui leur fût vulgairement appliquée. Le sentiment populaire est que ces espèces de colonnes ont servi autrefois à un pont-levis ; mais il est certain qu’elles ne portaient aucune trace d’un semblable usage : seulement on y remarquait des battées destinées à recevoir les battants d’une porte. Il s’agissait donc surement de deux pilastres d’une porte qui aurait été posée là, après la démolition de l’ancienne tour, pour continuer à marquer les limites de la franchise ou commune de Namur ».

D’après une aquarelle datée de 1818, Ferdinand Courtoy nous livre une description quelque peu complémentaire des pilastres12 : « Il s’agissait de deux doubles pilastres à refends, accostés d’ailerons et couronnés de pot-à-feu d’allure assez élancée », le tout était bien dans le style des monuments civils et religieux construits en si grand nombre au XVIIIe siècle à Namur, ce fait étant expliqué par les grandes destructions des sièges de 1692 et 1695.

Notes :

10. ROUSSEAU F. (1924). L’inondation de « l’an quarante » à Namur ». Le Guetteur Wallon, 17, 221-223.

11. BORGNET J. (1851-1859). Promenades dans Namur. Namur : Wesmael-Legros, 163.

12. COURTOY F. (1957). De la Tour de Beauregard aux « Dames » du Pont de Meuse à Namur. Namurcum, T. 31 (3), 48.

Lavis attribué au peintre J. de Beyer, vers 1740.
Coll. Fondation Société archéologique de Namur

Lavis attribué au peintre J. de Beyer, vers 1740.
Coll. Fondation Société archéologique de Namur

 

Dessin du Général de Howen, 1818 ?
Coll. Fondation Société archéologique de Namur